Toujours au frais dans les Cameron Highlands, on se cherche un moyen de
retrouver la chaleur dans la foret tropicale humide du parc national de Taman
Negara (signifiant parc national en malais). Comme notre objectif ultime serait
de pouvoir profiter de l'ambiance de la jungle tout en espérant voir la faune
impressionnante qui l'habite (tigres, éléphants, singes, rhinocéros, etc.) on
aimerait être dans un endroit peu achalande. On entend finalement parler de l'entrée
nord du parc à Kuala Koh dans la province de Kelantan. Contrairement a l'entrée
sud de Kuala Tahan qui était ouverte dans les années 50, celle-ci ne l'est
que depuis 1994, elle est donc bien moins connue et elle permet d'accéder à la
portion la plus grande de foret vierge du parc qui est estimée être une des
plus vieille au monde.
Cette entrée est peu connue et on se le fait confirmer a maintes reprises
par toutes les agences de voyage qui nous regardent d'un air interrogé lorsqu'on
leur dit qu'on veut se rendre a Kuala Koh. « Kuala Koh? » nous
repondent-ils. L'absence totale de connaissance de cet endroit par les agences
nous donne encore plus le goût de s'y rendre. On prend donc un minibus vers Gua
Musang, que l'on sait être la ville la plus près de Kuala Koh. On sait aussi
qu'on ne sait pas comment on fera les 90 km qui séparent Gua Musang de Kuala
Koh, mais on part très tôt des Highlands pour avoir le plus de temps possible
pour réussir avant la nuit. On fait nos deux heures de routes et on arrive à la
station d'autobus de Gua Musang où la pluie tombe à grosses gouttes.
On discute comme on peut avec les gens pour finalement se rendre à
l'évidence : on a le taxi ou le pouce. Pour le pouce, la pluie et
l'incertitude de réussite nous décourage un peu et avant même qu'on ait le
temps d'essayer, un chauffer de taxi se propose pour nous y emmener pour 150
ringitt (50 $). Le prix est peu alléchant, mais ça semble être notre meilleure solution. On embarque avec notre gaillard et après une demi-heure de route, on
s'appercoit qu'on a peut-être même été chanceux qu'un chauffeur veule nous y
amener. La route est dans un état désastreux. Les nids-de-poule sont abondants
et gros comme des voitures. Le chauffeur devrait les contourner minutieusement
pour éviter d'abîmer son véhicule, mais on sent son impatience à faire
l'aller-retour le plus rapidement possible. Puis, après une heure de route, on
s'aperçoit que ça aurait été peu probable de se rendre a Kuala Koh sur le
pouce, car à partir d'au moins 11 km avant d'arriver, il n'y a rien d'autre que
les plantations de palmiers pour l'huile de palme à perte de vue, qui cèdent
leur place à la jungle épaisse à un maximum de 2 km avant d'arriver.
Notre arrivée à Kuala Koh se fait sans tambour ni trompette, sous la pluie
battante avec le regard interrogateur des responsables du parc. Il semble qu'on
était pas mal les seuls visiteurs, excepté un petit groupe de malais qui est
venu pour la pêche. Après la surprise de notre arrivée, les gens finissent par être
fort sympathiques et ils nous louent un petit « syele » (chalet) qui était
soit dit en passant un des plus beaux endroits où on avait dormi depuis le début
du voyage. Son long escalier en céramique menait vers un large balcon de bois
d'où on pouvait ouvrir la porte double du chalet pour laisser voir la vaste pièce
dont le plancher était fait de larges planches de bois. On avait l'impression
d'être des explorateurs qui arrivaient au camp de base.
L’exploration, on l’a commencé dès l’après-midi. On avait entendu parler
que les sangsues pouvaient être un problème après une grosse pluie. Le
responsable du parc nous avais dit que, bien que l’on était dans une période
habituellement peu pluvieuse dans l’année, ça faisait exceptionnellement 3
jours qu’il pleuvait des cordes sans arrêt. On a donc cru bon de vêtir nos bas
anti-sangsues que nous avions pris soin d’acheter avant le départ du Québec. On
avait aussi lu que le deet était un bon moyen de se débarrasser des sangsues.
Lauré a donc mis une bonne couche de Watkins (30 % deet, oh yeah!) sur
ses bas et souliers. Pour ma part, n’ayant pas encore vu l’ombre d’une sangsue
et ayant vécu les pires moments de mouches noires au Québec, j’ai dit à Lauré :
« Ok, moi je ne me mettrai pas de Watkins, on va pouvoir voir la différence
entre avec et sans ». On est donc parti vers la jungle avec la pluie qui
tombait toujours. Après une dizaine de minutes de marche, on se regarde et on
se dit : « Ben voyons donc, j’ai même pas vu une sangsue encore ».
En disant cela, je regarde plus attentivement mes bas anti-sangsues, et je réalise
qu’elles sont là! Elles ont une couleur grise-brune, comme le sol, bien camouflées,
et elles avancent rapidement. Il y en a de toutes les tailles, des extrêmement
petites (moins d’un centimètre) et des bien en chair d’une dizaine de centimètres.
A ce moment là, l’idée qui me passe par la tête c’est : « ça fait
combien de temps qu’elles sont là, qu’elles me montent dessus et que je ne m’en
aperçois pas? » On prend donc le temps de s’enlever les sangsues que l’on voit
en les pichenottant au loin, mais on s’aperçoit rapidement que ça ne suffit
pas. Elles arrivent en quantités par le sol et nous grimpent dessus à une
vitesse incroyable. On décide donc de courir un peu pour trouver un endroit un
peu plus a l’abri, mais ayant peur de se perdre, on ne va pas trop loin. On se
met donc à alterner entre différents endroits pour retirer les sangsues jusqu'à
ce que l’on sente une relative accalmie. On essai alors de profiter un peu de notre
randonnée dans la jungle, mais on reste assez préoccupés par notre intégrité
physique. Il était presque 5 heures, on décide donc de retourner à notre chalet
pour la soirée.
En arrivant au chalet, c’est la grande inspection. On retire nos bas, nos
chandails, nos pantalons, aucune sangsue à l’horizon. On se sent alors bien
satisfaits de notre achat de bas anti-sangsues. Puis, ayant un léger doute, je
demande à Lauré de regarder dans le bas de mon dos, tout près de là où il fait
toujours noir. Pendant son inspection, j’essai de regarder son visage. Son
expression faciale n’a alors rien de rassurant. Je lui demande ce qu’il y a et
elle répond : « Bien, je ne suis pas sure ». Je me rends alors
compte que je saigne abondamment du dit endroit. Je lui demande de me
l’enlever, donc, sans réfléchir, on prend du sel, et on applique abondamment
pour finalement s’apercevoir qu’il n’y a aucune sangsue. Il y a bel et bien une
morsure de sangsue, mais pas de trace de l’animal. Il semble qu’elle soit
toujours portée disparue à ce jour. Après avoir arrêté le saignement, dans un
certain moment de paranoïa, on inspecte le chalet. Bilan : une sangsue sur
le mur juste à coté du lit, une sangsue sur le bol de toilette... bonne idée l’inspection.
Le soir, on a commandé notre nourriture au restaurant du parc. C’est
d’ailleurs là que l’on a mangé tout notre séjour puisque c’était le seul
endroit possible. Le menu était tout de même assez diversifié, et, à notre
grande surprise, malgré la région reculée où on se situait, tout ce que l’on commandait était disponible. En plus, c’était toujours bon et préparé avec amour par les deux demoiselles qui s’occupaient de la nourriture et des chambres.
Le jour suivant, on est un peu incertain au départ, on décide donc de
s’acclimater en allant faire le « Canopy Walkway », un réseau de
passerelles bien haut dans les arbres, à l’abri des sangsues. On profite bien
de la vue puisque, depuis le matin, il n’a pas encore mouillé. A la fin du parcours,
il commence à avoir de la bruine, mais rien de trop inquiétant. On décide donc
de partir tout de suite après pour une randonnée qui durera toute la journée
dans la jungle, mais cette fois-ci, bien armés d’une canette de Watkins. On
s’en asperge abondamment les souliers et bas anti-sangsues, et on rit de bon cœur
en regardant les sangsues se tortiller et rebrousser chemin sur nos souliers!
On passe la journée à observer les oiseaux et à écouter les étranges bruits de
la jungle, en prenant bien soin de se mettre un petit peu de Watkins sur nos
souliers à chaque heure ou demi-heure, au besoin. La journée se passe assez
bien du point de vue sangsues, une seule grosse dégueulasse a réussi à se
frayer un chemin jusqu'à mon genou, où je l’ai sentie au bon moment pour la
retirer avant toute injection d’anti-coagulant de sa part, ouf!
Le bilan animal de notre excursion en jungle aura été assez tranquille
outre les sangsues. A part entendre un singe, on aura pu voir les traces et excréments
d’éléphants, mais c’est tout. Aucune trace du tigre qui avait été vu un mois
auparavant à dix minutes de notre chalet. Ca aura tout de même valu la peine de
se rendre dans cet endroit reculé, ne serait-ce que pour la tranquillité de
l’endroit et l’accessibilité des malais avec lesquels on a pu discuter. On a
d’ailleurs eu beaucoup de chance pour notre retour puisque Dean, le manager du
parc, nous a embarqués avec lui puisque, par chance, il devait se rendre à Ipoh
en passant par Gua Musang.
Maxime
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